Rénovation énergétique : bientôt une taxe contre les logements mal isolés

By juin 26, 2019

Pour inciter les propriétaires à effectuer des travaux de rénovation énergétique dans des logements mal isolés, plusieurs amendements ont été proposés par la commission aux affaires économiques. Une proposition du rapporteur LaREM Anthony Cellier a particulièrement divisé et proposait de taxer les propriétaires qui vendaient un logement très mal isolé sans réaliser de travaux au préalable. Un autre amendement proposé par la majorité parlementaire a été catégoriquement rejeté mais d'autres ont obtenu l'accord des députés, notamment celui sur le conditionnement de la révision des loyers.

Des amendements pour taxer les propriétaires de passoires énergétiques

On estime le nombre de passoires énergétiques à environ 3,5 millions en France. Pour inciter les propriétaires à faire des travaux et des économies d'énergie, le rapporteur d'un projet de loi lié à l'énergie et au climat, Anthony Cellier, a proposé devant la commission des affaires économiques l'amendement N° CE655 qui prévoit de placer sous séquestre une petite partie de la vente d'un bien immobilier.
L'amendement précise également qu'un maximum de 5% du prix de vente peut être soustrait et que la part correspond aux travaux de rénovation énergétique qui seraient nécessaires pour atteindre une certaine performance thermique dans le logement. La part est débloquée si l'acquéreur du bien immobilier souhaite réaliser les travaux.

Cette mesure a été soutenue par un certain nombre de députés LaREM et permettrait selon François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, de rénover jusqu'à 100 000 habitations mal isolées par an. Le ministre a toutefois précisé que le dispositif devait être affiné pour correspondre aux besoins des propriétaires et futurs acquéreurs et améliorer la portée.

Des sous-amendements pour limiter la portée

Le 19 juin, la commission aux affaires économiques était chargée d'examiner cet amendement et le projet a été très longuement critiqué par Guillaume Kasbarian, autre député LaREM. Celui-ci estime qu'une mise sous séquestre d'une partie du prix de vente peut être vue comme une sorte de "taxe déguisée" qui aurait pour conséquence de fabriquer ou d'aggraver des "inégalités territoriales et sociales".
Sa critique a été soutenue par des députés issus du Modem et du groupe Les Républicains. Certains députés dont Julien Aubert estiment qu'une telle mesure pourrait voir une augmentation de 5% des prix de l'immobilier en général pour contrer cette nouvelle taxe. D'autres estiment que cela pourrait entraîner un blocage général des transactions.

Pour contrer l'amendement N°CE655, les députés inquiets ont voté en faveur de deux autres propositions de Guillaume Kasbarian destinées à fortement limiter la portée et l'importance du dispositif. Le premier impose une période d'expérimentation de deux ans dans les zones considérées comme tendues et le second demande que le début du dispositif ait lieu au 1er janvier 2021 pour donner le temps aux acteurs de l'immobilier de renforcer le diagnostic de performance énergétique sur lequel est basé l'amendement d'Anthony Cellier.
Beaucoup de députés ne sont même pas certains de la faisabilité de la mesure : en cause, l'augmentation encore significative des prélèvements obligatoires lors d'une transaction immobilière. Aujourd'hui, un acquéreur doit dédier environ 14% du prix de vente aux taxes liées à l'achat. Avec ce nouvel amendement, le taux passerait à 19%, un montant qui peut repousser certains acquéreurs et ralentir le marché immobilier.


Une opposition assez forte au projet

En raison du manque de clarté sur les modalités d'application de l'amendement, de nombreuses voix se sont élevées contre sa mise en place, parmi les députés mais aussi au sein d'autres structures directement concernées.
Pour le directeur de l'UNPI (Union Nationale des Propriétaires Immobiliers) Pierre Hautus, le délai de trois ans pour réaliser les travaux de rénovation énergétique est trop réduit : "Si les travaux en question nécessitent l'accord d'une copropriété, le délai de trois ans risque d'être trop court". Au terme de ce délai, l'argent consigné et non investi dans les travaux est reversé directement à l'état, donnant à cet amendement la définition d'une taxe.
Parmi les organisations d'agents immobiliers en France, la FNAIM a précisé sur son compte Twitter qu'elle s'opposerait "fermement à toute confiscation d'une partie du prix de vente" pour n'importe quel bien immobilier qui ne répondrait pas aux normes énergétiques décidées par l'amendement. Les autres organisations n'ont pas réagi officiellement.

Parmi les députés, d'autres voix au sein même de LaREM ne sont pas d'accord avec tout le dispositif et Les Républicains s'opposent à toute forme de taxe sur une passoire énergétique. Ce projet de loi ne reste pour l'instant qu'en première lecture et doit passer tout le parcours de l'Assemblée Nationale et du Sénat. Il est également ralenti par les sous-amendements et pourrait être modifié ou disparaître complètement s'il ne rencontre pas l'aval d'une majorité parmi tous les députés.

Quels sont les logements concernés ?

Selon l'amendement proposé par Anthony Cellier, la classification des logements concernés se fera en fonction du diagnostic de performance énergétique. Ce document doit aujourd'hui être transmis obligatoirement lors de toute transaction immobilière, qu'il s'agisse d'une vente d'un bien ou d'une location. Il rassemble toutes les informations concernant la consommation énergétique du logement et donne une note comprise entre A et G, cette dernière étant attribuée aux logements les plus mal isolés.

La séquestre de 5% sera appliquée uniquement sur les bâtiments classés F et G selon le diagnostic de performance énergétique, autrement dit les logements qui ont une consommation supérieure à 330 kilowattheure par mètre carré et par an. Plus de trois millions d'habitations seraient concernées par une telle mesure si elle venait à être mise en place au terme de son passage à l'Assemblée Nationale et au Sénat.


Le diagnostic de performance énergétique n'est pas seulement une indication de la consommation énergétique du logement, il offre également des indications sur les travaux à effectuer pour améliorer la note de l'habitation. A savoir qu'en rénovation, il est quasiment impossible d'obtenir la note A, généralement réservée aux logements neufs construits depuis la RT 2012 et qui respectent les normes d'isolation activées par la loi sur la Transition énergétique pour la croissance verte.

La révision du loyer adoptée sous conditions

Durant la commission, d'autres amendements ont été adoptés. L'un d'entre eux permet de conditionner la révision des loyers des logements mal isolés à la réalisation de travaux. Cette rénovation doit évidemment atteindre un certain niveau de performance énergétique pour autoriser les bailleurs à augmenter le montant du loyer dans la limite autorisée par la législation.

Un autre amendement adopté est destiné à inscrire les critères de performance énergétique parmi les critères de définition d'un logement décent. Si les habitations ne permettent pas d'assurer un minimum de confort thermique, elles ne peuvent être considérées comme des logements décents.

En revanche, un autre amendement a été majoritairement rejeté : il proposait d'interdire la location d'un logement non ou mal isolé (là encore, classé F ou G selon le DPE) dans les zones tendues de l'Hexagone à partir de 2025 puis sur l'ensemble du territoire trois ans plus tard. Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, s'est elle-même opposée à ce projet pour éviter de mettre en difficulté certains propriétaires modestes qui ne pourraient pas effectuer les travaux nécessaires dans le délai imparti.

dernière modification le mercredi, 26 juin 2019 12:24
Tiffany WILLM

Passionnée par l'immobilier et chargée de communication depuis des années